La tragédie des transports en commun

L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Celui des transports collectifs n’échappe pas à cet aphorisme : en prétendant tuer la voiture, c’est le bus, le tram et le train réunis que de nombreux acteurs se voulant progressistes assassinent.

En premier lieu, considérons les acteurs du numérique qui se sont positionnés comme opérateurs de plateformes d’intermédiation entre utilisateurs et possesseurs de véhicules particuliers : pour faire plus court, Uber et Blablacar. Qui n’a pas entendu ces merveilleux sophismes expliquant qu’en augmentant le taux d’utilisation d’un véhicule, on en réduit le nombre ? Une belle démonstration tellement simple qu’elle en paraît implacable – mais rappelez-vous Paul Valéry et son fameux « ce qui est simple est faux« . Le constat que j’ai de tous ceux autour de moi qui utilisent ces services est qu’ils s’en servent soit pour faire des déplacements qu’il n’aurait pas fait sinon, soit à la place d’un transport en commun (TEC) trop cher ou trop lent – voire les deux. C’est donc vers un accroissement du nombre de voitures que nous emmènent cette économie du numérique, et en effet secondaire une raréfaction des utilisateurs de TEC. Et quand un TEC perd ses usagers, dans un monde rationnel et endetté comme le nôtre… on le supprime.

Plus surprenant maintenant : les élus et groupes de pression écologistes. Campés sur des positions doctrinaires qui ont le mérite de les faire exister dans un paysage politique diaphane, ils cherchent par presque tous les moyens à faire disparaître la voiture de nos rues.

Presque tous les moyens, car leur positionnement actuel à gauche de la gauche les force à être audibles de l’électorat de cette frange, à savoir des classes moyennes de moins en moins riches. Impossible donc pour eux de brandir l’une des meilleures armes anti-voitures – le péage urbain – qui bannirait des grandes villes la plupart de leurs électeurs motorisés – car même si on se sent d’obédience écologiste, il faut bien aller travailler, faire des courses ou tout simplement aller voir des amis ou la dernière exposition. Essayez de faire tout cela en TEC avec un ou deux jeunes enfants depuis une banlieue accueillante mais immobilièrement raisonnable – et donc loin des gares.

On se rabat donc sur des mesures ubuesques, par exemple couper des voies essentielles de circulation comme cela vient de se faire à Paris avec la voie expresse rive droite. Les statisticiens vous démontrent, par de savants calculs, que des dizaines de milliers de véhicules se sont aussitôt « évaporés« . C’est en fait un effet de myopie, dû à leurs faibles moyens de mesure qui ne permettent de juger du report de la circulation que sur quelques autres grands axes : ils ne voient pas que tout le trafic qui passait naguère par l’artère interdite s’est diluée sur tous les chemins alternatifs possibles, par application de la règle bien connue « je vais essayer de passer par là, ça paraît rouler mieux« .

Et les TEC dans tout ça ? Hé bien, regardez la vitesse à laquelle se traînent les bus, dès qu’ils se trouvent obligés de quitter temporairement leurs couloirs réservés… Résultat : ceux-ci se vident de leurs passagers, qui se reportent sur le réseau ferré souterrain. Le métro devient bondé et les bus déserts, tout cela est d’une grande logique. Il ne reste plus qu’à réduire le nombre de bus – une évaporation inattendue – et ne pas trop faire attention au ras-le-bol des banlieusards, serrés comme des sardines dans des rames surchargées  qui ne tarderont pas à manifester sa fatigue par une augmentation de son taux de défaillance. Sic transit, gloria metropolitani.

Heureusement, les minibus électriques autonomes arrivent ! Absolument sans conducteur – mais avec un ingénieur à bord qui est juste là pour vérifier qu’il a bien prévu tous les cas d’usage – ces fantastiques machines roulantes sont actuellement capables d’assurer un service un jour par semaine (l’après-midi seulement) sur une ligne de 130 (cent trente) mètres de long. C’est déjà demain – ou plutôt avant-hier.

Un commentaire

  1. gf · septembre 27, 2016

    J’aime beaucoup votre conclusion, qui est de fait la chose la plus importante à retenir : Le degré de mobilité qu’on a connu il y a quelques années n’est simplement pas tenable d’un simple point de vue énergétique. On peut parer la régression de toutes les vertus écologiques (ou autre) imaginable, ça n’en reste pas moins une régression, imposée par la planète !

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